Suspension et prorogation des délais de procédure – acte III
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a une nouvelle fois été modifiée par deux ordonnances successives en date du 13 mai 2020 (n° 2020-560) et du 20 mai 2020 (n° 2020-595).
La plus importante des modifications apportées est celle du changement de la période de suspension des différents délais, dont de procédure.
Jusqu’au 13 mai 2020, les délais ne devaient reprendre leur cours qu’à compter d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Cette période d’état d’urgence sanitaire a été prorogée par une loi du 11 mai 2020 (n° 2020-546) et ce jusqu’au 10 juillet 2020.
Pour autant, les délais ne seront pas suspendus jusqu’au 10 août 2020, ils le seront jusqu’au 23 juin 2020.
Par ailleurs, la liste d’exceptions, déjà importantes, se trouve encore allongée depuis l’ordonnance du 13 mai 2020.
Pour essayer d’y voir clair et de s’y repérer, il faut retenir trois axes essentiels :
I) Le droit commun des actes inclus dans la période « juridiquement protégée » (du 12 mars 2020 au 23 juin 2020)
4 conditions cumulatives sont nécessaires pour obtenir une suspension des délais.
Il doit s’agir de :
- Tout acte au sens large :
- Recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication, paiement pour acquérir ou conserver un droit (article 2) ;
- Mesures administratives (permis de construire par exemple) (article 3) ;
- Astreintes, clauses pénales et clauses résolutoires (article 4) ;
- Tacites reconductions (article 5).
- Ayant été prescrit par la loi ou le règlement :
- Par le code de procédure civile par exemple, pour interjeter appel (1 mois en principe).
- Devant être accompli sous peine de sanctions :
- nullité
- caducité
- forclusion
- prescription
- inopposabilité
- irrecevabilité
- péremption
- désistement d’office
- application d’un régime particulier
- non avenu
- déchéance d’un droit quelconque
- Dont le terme est atteint pendant la période juridiquement protégée :
- Si le terme du délai est fixé avant le 12 mars ou après le 23 juin 2020 : le terme n’est ni prorogé, ni suspendu (article 1, I de l’ordonnance).
II) Les régimes spécifiques
- Les délais et procédures en matière administrative (articles 6 et suivants) ;
- Les enquêtes publiques, l’urbanisme, l’aménagement et la construction (articles 12 et suivants).
III) Les actes expressément exclus
-
Les actes exclus par application de l’article 1, II de l’ordonnance :
- les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;
- les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ;
- les délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou d’inscription à un examen conduisant à la délivrance d’un diplôme ;
- les délais dont le respect conditionne l’accès aux corps, cadres d’emploi, emplois ou grades de la fonction publique ainsi que le bénéfice de mutations, détachements, mises à disposition ou autres affectations des agents publics ;
- les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;
- les obligations qui résultent, pour les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier, de la section 4 du chapitre 1er ainsi que du chapitre II du titre VI du livre V du même code ;
- les obligations de déclaration prévues par les articles L. 512-3 du code des assurances et L. 546-2 du code monétaire et financier, pour les personnes tenues de s’immatriculer au registre unique mentionné aux articles L. 512-1 du code des assurances et L. 546-1 du code monétaire et financier, ainsi que pour leurs mandants, les entreprises d’assurance auprès desquelles ils ont souscrit un contrat au titre de leur responsabilité civile professionnelle et les établissements de crédit ou les sociétés de financement auprès desquels ils ont souscrit une garantie financière ;
- les obligations, notamment de déclaration et de notification imposées en application des livres II, IV, V et VI du code monétaire et financier aux entités, personnes, offres et opérations mentionnées à l’article L. 621-9 du même code ainsi qu’aux obligations imposées en application du I et II de l’article L. 233-7 du code de commerce ;
- les délais concernant les déclarations prévues aux articles L. 152-1, L. 721-2, L. 741-4, L. 751-4, L. 761-3 et L. 771-1 du code monétaire et financier ;
- les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci ;
- les délais concernant les déclarations relatives aux produits chimiques et aux installations fabriquant, stockant, traitant ou consommant de tels produits, mentionnées aux articles L. 2342-8 à L. 2342-21 du code de la défense ;
- les délais de demande de restitution de l’enfant déclaré pupille de l’Etat à titre provisoire, tels que définis au deuxième alinéa de l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles ;
- les demandes d’aides ainsi qu’aux déclarations et formalités nécessaires pour bénéficier des différents régimes d’aides relevant de la politique agricole commune ;
- les délais, régis par le code de l’environnement ou le code de la défense, concernant les déclarations d’accident ou d’incident nucléaire ainsi que toute autre procédure de déclaration, d’information ou d’alerte ou acte destiné à assurer la sécurité nucléaire et la protection des installations, des matières et des équipements nucléaires ainsi que celles du transport des substances radioactives et des matières nucléaires ;
- les délais dans lesquels doivent être présentées les demandes d’attribution de logements destinés aux étudiants et gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ;
- les délais accordés par des procédures d’appels à projets aux personnes souhaitant concourir à la réalisation de politiques publiques et bénéficier à ce titre d’aides publiques ;
- les délais pour l’établissement des actes de l’état civil relatant des événements survenus à compter du 24 mai 2020.
-
Les actes exclus par application de l’article 2, alinéa 3 de l’ordonnance :
- Les délais de réflexion (prévus par la loi ou le règlement)
- Les délais de rétractation (prévus par la loi ou le règlement)
- Les délais de renonciation (prévus par la loi ou le règlement)
- Les délais prévus pour le remboursement des sommes d’argent en vue de l’exercice des droits de réflexion, rétractation et renonciation.
Les exceptions étant devenues légions en la matière et afin de déterminer quel régime juridique il convient de choisir, la méthodologie à appliquer est selon nous celle-ci :
La première question à se poser est celle de savoir si le délai ou l’acte en question est visé par un régime spécifique (Titre II et II bis de l’ordonnance).
Si oui : application du régime particulier (la norme spéciale déroge à la norme générale)
Sinon : s’agit-il d’un acte expressément exclu ? (article 1, II ou article 2, alinéa 3)
Si oui : pas de suspension ou de prorogation des délais (application de la même règle selon laquelle le texte spécial déroge au texte général)
Si non : retour au Titre I et à l’article 2 (le droit commun) et se demander si les 4 conditions cumulatives sont remplies ?
Si oui : prorogation des délais
Si non : pas de prorogation.